Dominique
Digeon séries des unichromes 1991 Les
unichromes 1991/92
"Il y a deux sortes d'artistes : ceux qui se laissent travailler
par le verbe du monde et ceux qui ne supportent pas que le monde
ait un verbe"*.. Jean Carteret - Dialogue -
Pour qui se
contente d'exister, d'être quelqu'un, celui-ci se contentera du
calme, de la juste et normale apparence...de quoi ? d'un paysage
caché, d'une vision intérieure, d'un décor de lignes, de couleurs,
d'une figuration tordue, d'une idée-dée, d'une expression...Bon,
mais la peinture de Dominique Digeon ne fait que rebondir sur les
approches habituelles du critique. Pourtant, rien de grave, pas
de tripes en gros plan, ni de tourmentes malédictionnelles. Ca pourrait
être presque joli, à voir, à décorer...De part l'effet, il serait
juste de placer ce peintre dans la seconde sorte d'artiste. Mais
l'accumulation des couleurs, leur traitement en durée et épaisseur
dans les sublimes habitudes de la répétition qui seule permet une
constante renaissance.Bref, de part le résultat, le lacher prise
semble d'un travail proche de l'automatisme ; il serait vrai de
le classer dans la première sorte d'artiste. Juste ou vrai ? difficile,
car ses oeuvres participent à ces deux options qui gèrent la Peinture
depuis son invention. A des niveaux bien différents certes : la
représentation, l'espace, le cadre, l'émotion...les artistes ont
tenté soit de dominer la peinture, soit de se laisser générer par
elle ; tantôt pour lui forcer ses secrets, tantôt pour qu'elle livre
d'elle même son mystère. En fin de siècle et de millénaire, Dominique
Digeon prend position dans l'extrême de l'extrême : l'extrême de
l'équilibre - l'équilibre de l'inéquilibre : subir le pouvoir profane
de la peinture et en activer sa puissance sacrée. Richesse et dénuement
- surnombre de la vie et unicité de la matière. De ces extrêmes
limites émerge sa poésie. De 1986 à 1992, il a cerné, puis décloisonné,
multiplié les couleurs puis recentré les dominantes (les unichromes),
décollé ses "fonds de supports", dissout ses "figures dans la surface",
à ce jour il démultiplie ces éléments par le collage de verre cassé,
de bouts de bois, pour mieux en coaguler les principes essentiels.
D'où le dédain de quelqu'un qui cherchant tout ne trouve rien pour
lui et le malaise d'une personne qui n'attendant rien en reçoit
trop. Solve - coagula, boucher les trous - combler les creux car
il faut bien du visible, tant pis pour ceux qui se contentent d'exister,
dommage pour ceux qui se laissent vivre, mais bienheureux seront
les poètes. |